Une fois de plus, l'équipe de Panoptica remettait le couvert pour son festival annuel de musiques électroniques. On verra plus loin que cette métaphore culinaire n'a rien de fortuit mais commençons par la musique. Pour changer un peu, je suis arrivé vers 21h30 (au lieu de l'habituel 23/24h), ce qui m'a permis d'assister à la fin du live de Amute, le belge de l'étape. Devant un public forcément clairsemé (" t'as vu l'heure ?!? "), Jérôme Deuson développe des couches sonores à la fois délicates et granuleuses parsemées de quelques beats. A un moment, il empoigne même une guitare (" quoi ?!? Mais c'est un hérétique ! ") sans en " jouer réellement " mais plutôt pour étoffer encore sa palette sonore. Difficile d'arriver et de se plonger directement dans cet univers très poétique et introverti mais je me réjouis déjà de le revoir dans un autre contexte. Sans transition on passe à Arovane qu'on attendait plutôt soft et qui désarçonne son monde à l'aide de rythmiques plutôt dures et déstructurées. On ne peut pas dire que la prestation de son prédécesseur sur scène l'ait influencé pour ce set contrairement à certains travaux d'Autechre. Intéressant mais difficile à digérer. Intricate ensuite, un duo suisse qui offrit à mon avis le meilleur moment du festival. Sur une base rythmique hip-hop assez lourde se greffent d'autres sons percussifs variant la pulsation et des nappes profondes et mélodiques. Leurs morceaux sont dansants, planants et accrocheurs, bref imparables. C'est sans conteste la grande découverte de Panoptica en ce qui me concerne. Difficile pour son successeur Zorn/Boy Robot de maintenir la barre aussi haut? Sans doute et ce malgré qu'il ne manque pas d'atouts : une grande profondeur de son et des visuels plein de robots spatiaux en sont deux exemples. Par contre un certain côté " housy " pointe régulièrement le bout de son nez et finit par m'agacer. J'en profite donc pour aller goûter les petits plats Panoptica (cf. métaphore culinaire en début d'article). Au menu : nourriture malaisienne, de délicieuses quiches et des gâteaux au chocolat diaboliques à prix ultra démocratique. Difficile pour l'electro-pop de Solvent de rivaliser avec ce genre de tentations. De plus tout le monde sait que ventre affamé n'a point d'oreille ! Après cet intermède gastronomique, retour à la grande salle et à Solvent qui, malgré la légèreté de sa musique, attire néanmoins une certaine sympathie en étant à peu près le seul artiste de la soirée à tenter de communiquer avec le public via un chant passé au vocoder. Sympa donc mais sans plus. On a affaire à tout autre chose avec Apparat, le second temps fort du festival. Patron du label mal nommé Shitkatapult, il balaie pas mal de genres de telle sorte qu'on a du mal à réellement définir son travail. Tantôt proche d'une electronica classe et langoureuse, tantôt frôlant l'indus répétitif et torché, l'allemand est sans doute trop curieux, trop ouvert pour se laisser enfermer dans un seul style. Ses textures sonores sont chaudes, digitales mais loin d'être parfaites. Au contraire, on entend et on peut presque sentir le grain de ces sons bien triturés. Dommage pour le plantage d'ordi au beau milieu du set, c'était trop bien parti ! Et puis c'est moi qui suis parti, laissant Blamstrain vs. Brothomstates aux plus motivés du public et autres noctambules increvables. En conclusion, cette édition fut dans l'ensemble très bonne pour les tympans comme pour les papilles. On apprécie aussi le choix de la salle des fêtes de Droixhe : spacieuse, aérée (ah les hauts plafonds, quel bonheur !) avec différents espaces (restauration, ventes de disques,…). Plus que 300 et quelques fois dormir et on remet ça ?
par Philippe Belligoi.